Plan d’action mondial pour les espèces

Soutenir la mise en oeuvre du Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité à travers à la conservation des espèces

© Nguyễn Mạnh Hiệp

Le Plan d’action mondial pour les espèces (PAME) a été élaboré pour soutenir la mise en oeuvre du Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité (CMB) en définissant les principales interventions et actions stratégiques nécessaires pour obtenir des résultats positifs en matière de conservation et d’utilisation durable des espèces dans la mission, les objectifs et les cibles du CMB.

Le PAME est lié à une boîte à outils en ligne de ressources, de soutien à la formation et de conseils techniques visant à aider les gouvernements et autres parties prenantes à conserver et gérer efficacement les espèces sauvages autochtones et à s’assurer que ces espèces et leurs produits dérivés soient utilisés de manière durable, légale et équitable.

Contexte

La biodiversité est en déclin sur l’ensemble de la planète. Le Rapport d’évaluation mondiale 2019 de l’IPBES sur la biodiversité et les services écosystémiques a révélé que les populations d’espèces de vertébrés ont diminué en moyenne de 68% depuis 1970, que 75% de la surface terrestre de la planète est considérablement altérée et que 66% des océans sont dégradés. À l’échelle mondiale, plus d’un tiers des zones humides continentales ont diminué entre 1970 et 2015, un taux trois fois supérieur à celui de la perte de forêts. Environ 25% de toutes les espèces évaluées sur la Liste rouge de l’UICN sont menacées, ce qui suggère qu’environ 1 million d’espèces pourraient déjà être menacées d’extinction. Le taux mondial d’extinction des espèces est déjà jusqu’à 100 fois plus élevé que le taux moyen observé au cours des 10 derniers millions d’années, ce qui suggère que nous sommes confrontés à une « sixième extinction de masse ». Une action urgente est essentielle pour réduire les facteurs de perte de biodiversité et restaurer les populations d’espèces et les écosystèmes.

Les trois crises interdépendantes de la perte de biodiversité, des changements climatiques et des maladies zoonotiques émergentes ont des conséquences profondes sur tous les aspects de la santé humaine, de la sécurité alimentaire et hydrique et de l’économie. Compte tenu du rôle crucial que jouent les espèces dans les moyens d’existence et les économies des populations du monde entier, ainsi que pour les services écosystémiques sur lesquels ils reposent, il est essentiel de maintenir des populations d’espèces en bonne santé et de veiller à ce que les avantages qui en découlent soient gérés de manière équitable et durable pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD).

L’importance fondamentale des espèces

Les millions d’espèces présentes dans les écosystèmes terrestres, d’eau douces et dans les océans ont évolué au fil des millénaires et forment le réseau de vie qui soutient la planète. La conservation des espèces est essentielle à l’avenir de toute vie sur terre :

  • Les espèces sont les composantes vivantes des écosystèmes, assurant individuellement et collectivement les conditions de la vie.
  • Les espèces jouent un rôle essentiel dans les processus de formation des sols, de décomposition de la matière organique, de filtration et d’écoulement des eaux, de pollinisation, de lutte contre les ravageurs, de régulation du climat, de séquestration et de stockage du carbone, entre autres services écosystémiques vitaux.
  • La conservation des espèces sauvages et des écosystèmes, dont elles constituent des composantes essentielles, est vitale pour faire face à la crise climatique, à l’insécurité alimentaire et hydrique et à la réduction des risques d’événements météorologiques extrêmes, ainsi qu’à l’émergence de zoonoses et de pandémies mondiales.
  • Les espèces constituent la principale source de nourriture, de médicaments, de matières premières et autres ressources pour les peuples autochtones et les communautés locales (PA et CL) ainsi que pour des centaines de millions d’autres personnes dans le monde. Une personne sur cinq dépend des espèces pour ses revenus et sa nourriture, et environ 70% des personnes pauvres dans le monde dépendent des espèces sauvages.
  • L’utilisation directe d’espèces sauvages constitue la base de la pêche et de la foresterie, entre autres grands secteurs économiques, et les parents sauvages des cultures et du bétail domestiques sont un référentiel de matériel génétique irremplaçable offrant un potentiel d’adaptation future et contribuant donc de manière significative à la sécurité alimentaire, à la nutrition et à la santé.
  • Les espèces sont une partie essentielle de l’histoire, de la culture et des traditions de chaque société sur Terre, et leurs valeurs esthétiques et leurs rôles spirituels apportent réconfort, inspiration et bien-être culturel.

Menaces pour les espèces

Les principales menaces pour les espèces identifiées dans l’évaluation mondiale de l’IPBES sont la conversion, la dégradation et la fragmentation des habitats naturels, l’utilisation et le commerce non durables, les changements climatiques, les espèces exotiques envahissantes, la pollution et les maladies infectieuses existantes et émergentes, toutes résultant d’un éventail de facteurs sous-jacents. L’érosion de la diversité génétique est une menace supplémentaire, principalement non quantifiée, en particulier pour les populations très petites et très fragmentées.

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Le gorille des montagnes (Gorilla beringei beringei), a vu son statut passer d’En danger critique à En danger grâce à des efforts de conservation collaboratifs au-delà des frontières nationales et l’engagement des communautés vivant autour des habitats de l’espèce. Photo © Ludovic Hirlimann (CC BY 2.0)

Oak species© Greg Bluffin

Île Anacapa : Plusieurs espèces de chênes endémiques des îles anglo-normandes de Californie et du Mexique ont été gravement menacées par le bétail non autochtone (par exemple, chèvres et porcs) et les plantes envahissantes tout au long du XXe siècle. Un groupe de partenaires a réussi à éliminer le bétail sauvage de plusieurs îles, permettant à des semis de s’établir pour la première fois depuis des décennies, et à éliminer les plantes envahissantes et planifier la gestion du régime de feu. Des centaines de plantules ont aujourd’hui été plantées, avec des taux de survie élevés. Photo © Greg Bluffin

Mesures de conservation et exploitation durable

De nombreuses espèces ont été sauvées de l’extinction ou ont vu leur statut s’améliorer, des espèces et des écosystèmes autochtones se sont rétablis et des habitats ont été restaurés et remaniés grâce à des mesures de conservation efficaces. Au cours des dernières décennies, nous avons assisté à un nombre impressionnant d’innovations scientifiques et d’avancées technologiques, notamment dans les domaines de la génétique, de la télédétection, de la cartographie SIG, du piégeage photographique, du suivi par satellite, de l’acoustique, des analyses statistiques et de la modélisation, qui améliorent notre capacité à suivre et à conserver les espèces sauvages et leurs habitats.

L’expérience a clairement montré que la lutte contre les menaces et les facteurs de déclin des espèces à un stade précoce, dans le but de conserver les populationsrestantes, les habitats intacts et leur connectivité, est beaucoup plus efficace et rentable que de tenter de restaurer les habitats et de réintroduire les espèces à un stade plus avancé, soulignant l’importance de l’opportunité des interventions de conservation.

Il existe de nombreuses preuves que les mesures de conservation fonctionnent. Le défi consiste maintenant à intensifier massivement ces efforts afin d’éliminer les facteurs de déclin des espèces, assurer la survie, le rétablissement et la persistance à des niveaux sains de toutes les espèces autochtones, veiller à ce que toute utilisation des espèces soit légale, durable et sûre pour les espèces cibles et non cibles, et à ce que les avantages matériels de l’utilisation des espèces et des ressources génétiques soient équitablement partagés.

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Perche Macquarie (Maccullochella macquariensis), dont le statut est passé d’En danger à Vulnérable. Des décennies de mesures de conservation ont mis l’accent sur l’établissement de sous-populations additionnelles par le biais de réintroductions et de translocations entre populations sauvages. Photo © Gunther Schmida (Licence : CC BY Attribution-Noncommercial-ShareAlike)

Cadre mondial Kunming-Montréal pour la biodiversité

Le Cadre mondial de Kunming-Montréal pour la biodiversité a été adopté lors de la quinzième Conférence des Parties à la CDB en décembre 2022. Le cadre comprend quatre objectifs axés sur des résultats, à atteindre d’ici 2050, 23 cibles orientées vers l’action, à atteindre d’ici 2030, un cadre de suivi pour mesurer les progrès réalisés vers les objectifs et les cibles, et des lignes directrices concernant la mise en oeuvre. La Conférence des Parties à la CDB a également adopté plusieurs décisions connexes importantes, en particulier en ce qui concerne la mobilisation de ressources, le renforcement des capacités, le mécanisme de planification, de suivi, de rapport et d’évaluation, la coopération technique et scientifique et les informations de séquences numériques sur les ressources génétiques. Le Cadre de Kunming-Montréal établit une voie à suivre pour mettre un terme et inverser la perte de biodiversité et mettre la nature sur la voie du rétablissement, tout en assurant un partage juste et équitable des avantages de l’utilisation des ressources génétiques et en fournissant des moyens de mise en oeuvre afin de réaliser la Vision 2050 d’une humanité vivant en harmonie avec la nature. D’énormes efforts et une action accrue seront nécessaires pour mettre pleinement en oeuvre le Cadre de Kunming-Montréal et atteindre la Vision 2050.

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Gaurs sauvages (Bos gaurus) en observation dans le parc national de Cat Tien, au Vietnam. Photo © Nguyen Manh Hiep

Plan d'action mondial pour les espèces

Le PAME a été élaboré en réponse à l’Appel d’Abu Dhabi pour une action mondiale en faveur de la conservation des espèces par l’UICN, ses Membres et ses principaux partenaires, en consultation avec les conventions relatives à la biodiversité*. Le PAME vise à soutenir la mise en oeuvre efficace du CMB de Kunming-Montréal et à inciter tous les gouvernements et parties prenantes à intensifier les actions en faveur de la conservation et l’utilisation durable des espèces, à accroître les synergies et à travailler de manière coordonnée et coopérative. Le PAME est un document évolutif, avec un calendrier initial jusqu’en 2030, aligné sur le CMB.

Le PAME établit une liste d’interventions stratégiques clés nécessaires pour obtenir des résultats positifs en matière de conservation et d’utilisation durable des espèces dans le cadre du CMB de Kunming-Montréal. Ceci est soutenu par une liste indicative d’actions (voir Actions) pouvant être appliquées par les pays en fonction de leurs capacités et circonstances nationales. Les objectifs et cibles du CMB de Kunming-Montréal sont tous étroitement liés, de sorte que le PAME fournit une justification relative aux espèces et aborde les actions pertinentes pour chacune des 23 cibles mondiales, bien que son objectif principal reste la conservation et l’utilisation durable des espèces, et non le CMB dans son ensemble. Il est important de noter que le PAME n’exige aucun rapport distinct, en plus de ceux déjà requis par la CDB et autres accords internationaux sur l’environnement.

Le PAME sera disponible en libre accès et accessible à tous sur une plateforme de connaissances en ligne (Connaissances, informations, apprentissage, utilisation et partage en matière de conservation des espèces, ou SKILLS, selon ses sigles en anglais), fournissant une boîte à outils de ressources, un soutien à la formation et des conseils techniques pour aider les gouvernements et autres parties prenantes à conserver et à gérer efficacement les espèces sauvages et à s’assurer que leurs produits dérivés soient utilisés de manière durable, légale et équitable.


* — La Convention sur la diversité biologique (CDB), la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS), la Convention de Ramsar relative aux zones humides (Ramsar), le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation
et l’agriculture (TIRPAA), la Convention du patrimoine mondial (WHC), la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine (ICRWC), également connue sous le nom de Commission baleinière internationale (CBI), et la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV)

Interventions stratégiques essentielles à la conservation et à l’utilisation durable des espèces et de leurs habitats

  • Mettre un terme à toute extinction supplémentaire d’espèce induite par l’Homme.
  • Réduire considérablement toutes les principales menaces pour les espèces et les facteurs sous-jacents de leur déclin.
  • Élaborer des programmes de rétablissement ciblés pour toutes les espèces concernées.
  • Assurer la conservation de tous les sites et réseaux de sites importants pour les espèces par l’identification, l’établissement, la protection et la gestion efficace de toutes les Zones clés pour la biodiversité, aires protégées et conservées, sites internationalement reconnus (sites du Patrimoine mondial, sites Ramsar, réserves de biosphère) et autres sites à haute intégrité écologique.
  • Assurer la connectivité écologique, y compris le mouvement des espèces à l’échelle des paysages terrestres, d’eau douce et marins.
  • Maintenir toutes les zones intactes d’habitats naturels et restaurer et régénérer les écosystèmes, y compris par le renforcement et la réintroduction de leurs espèces constitutives.
  • Évaluer la vulnérabilité et la capacité d’adaptation des espèces aux changements climatiques afin d’éclairer la planification de scénarios et l’élaboration de mesures d’adaptation et de gestion dynamiques.
  • Veiller à ce que toute utilisation des espèces soit durable, légale et sûre pour les espèces cibles et non cibles, et à ce que les avantages de leur utilisation et de celle des ressources génétiques soient équitablement partagés entre les populations autochtones et locales.
  • Veiller à ce que les animaux et les personnes ne soient pas menacés par des maladies zoonotiques ou à transmission vectorielle en réduisant les facteurs de risque de maladie liés à la nature.
  • Assurer la coexistence entre les humains et la faune sauvage.
  • Améliorer la recherche sur la conservation des espèces ainsi que la gestion et l’analyse des données pour éclairer l’élaboration et la mise en oeuvre de politiques à tous les niveaux.
  • Communiquer la valeur des espèces et l’importance de leur conservation et de leur utilisation durable à tous les publics.

Mise en oeuvre

La mise en oeuvre du PAME, et du CMB de Kunming-Montréal dans son ensemble, implique des interventions aux niveauxmondial, régional, national et local. L’établissement de liens et d’une coordination efficace entre ces niveaux, ainsi que de synergies maximales entre tous les acteurs, y compris les peuples autochtones et les communautés locales (PA et CL), sera crucial pour assurer une transition en douceur des politiques mondiales à une évaluation, une planification et une action efficace sur le terrain et dans l’eau.

Les gouvernements nationaux et leurs partenaires joueront un rôle de premier plan dans l’obtention de résultats en matière de conservation des espèces par le biais de leurs Stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité (SPANB), de leurs programmes nationaux de conservation d’espèces, de leurs cadres législatifs, de leurs allocations budgétaires et autres mécanismes. Des actions aux niveaux mondial et régional seront également nécessaires pour formuler des politiques, des stratégies, des normes et des lignes directrices, maintenir des bases de données sur la biodiversité en libre accès et faire face aux menaces supranationales.

La communauté internationale devra être prête à fournir le financement nécessaire, tandis que la communauté de la conservation des espèces pourra accélérer l’impact en fournissant un soutien technique et en partageant son expérience et son expertise.

L’UICN, ses nombreux Membres ayant collaboré étroitement à l’élaboration du PAME, sa Commission pour la sauvegarde des espèces, ses groupes de spécialistes et le partenariat Reverse the Red (Inverser le rouge), ainsi que les autres Commissions, sont prêts à fournir un soutien technique pour mettre en oeuvre le PAME, en collaboration avec les conventions relatives à la biodiversité et les gouvernements.

Les rôles des autres groupes de parties prenantes comprennent

UICN

L’UICN est une Union unique de Membres composée de gouvernements et d’organisations de la société civile. Elle offre aux organisations publiques, privées et non-gouvernementales les connaissances et les outils nécessaires pour que le progrès humain, le développement économique et la conservation de la nature se réalisent en harmonie.

Créée en 1948, l’UICN est aujourd’hui le réseau environnemental le plus vaste et le plus diversifié au monde. Elle compte avec l’expérience, les ressources et le poids de ses plus de 1 400 organisations Membres et les compétences de ses plus de 16 000 experts. Elle fait autorité en ce qui concerne les données, les évaluations et les analyses en matière de conservation. La diversité de ses Membres fait de l’UICN un incubateur et un référentiel fiable pour les bonnes pratiques, les outils et les normes internationales.

L’UICN offre un lieu de débat neutre où diverses parties prenantes, y compris les gouvernements, les ONG, les scientifiques, les entreprises, les communautés locales, les organisations de peuples autochtones et autres peuvent travailler ensemble à l’élaboration et à la mise en œuvre de solutions aux défis environnementaux et parvenir à un développement durable.

En collaboration avec de nombreux partenaires et supporters, l’UICN met en œuvre un vaste portefeuille de projets de conservation dans le monde entier. Associant les connaissances scientifiques les plus pointues et le savoir traditionnel des communautés locales, ces projets visent à mettre un terme à la disparition des habitats, à restaurer les écosystèmes et à améliorer le bien-être des populations.

En fin de compte, le PAME est un plan d’action pour tous : gouvernements, organisations intergouvernementales, conventions liées à la biodiversité, ONG internationales et nationales, peuples autochtones et communautés locales, instituts universitaires et de recherche, institutions ex-situ (zoos, aquariums, jardins botaniques), secteurs commerciaux et entreprises, agences de financement, communauté philanthropique et société civile dans son ensemble. Chacun a un rôle à jouer pour faire face à l’urgence à laquelle les espèces sont confrontées et s’assurer que nous transmettons un riche patrimoine naturel aux générations futures.

Voir les actions et les justifications du PAME ici

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Schéma illustrant certaines des interconnexions entre les objectifs du CMB et les résultats des espèces clés. Voir le livre PAME ici